Crédits photo : DREAL Pays de la Loire, Arcadis, SCE
Élargissement du Pont de Bellevue : la contribution de AVEC [Nantes]
L’ÉLARGISSEMENT DU PONT DE BELLEVUE, UN PROJET ANACHRONIQUE
Le site de la concertation publique : https://www.pont-bellevue.fr/
Le pont de Bellevue a été construit à l’est de Nantes en 1970, doublé en 1990 et réaménagé en 2008 pour assurer la jonction avec le périphérique qui décharge le centre-ville d’un trafic routier d’environ 100 000 véhicules/jour. Répondre aujourd’hui à la congestion automobile par un doublement des voies de circulation est contradictoire à tous les signaux d’alertes environnementaux relevé par les experts du GIEC. Des rapports qui nous obligent à revoir les solutions basées sur l’utilisation de la voiture individuelle au profit d’investissements vers des modes décarbonés tels que les transports en commun et les modes de déplacements doux.
Alors qu’intégrant les critères environnementaux aux conditions de faisabilité d’un projet, le budget vert devient indispensable pour la bonne gestion des politiques publiques et l’intérêt général. Ce projet ne présente aucun bilan carbone et pourtant une concertation est ouverte pour demander l’avis des citoyen.ne.s.
Le projet ouvert à la concertation consiste à intégrer une troisième voie de circulation en aval du pont dans le sens nord/sud. Il est donc proposé 5 scénarios différents consistant essentiellement dans la création de nouveaux échangeurs afin de fluidifier le trafic des voitures sans réelle prise en compte d’alternatives reposant sur les modes actifs et les transports en commun.
Partant des données connues, la principale source d’émission de GES du territoire métropolitain (45 %) est bien le transport routier avec une consommation d’énergie de 38%. Il est beaucoup trop dépendant de ressources fossiles (96,5 % du pétrole). la transition vers l’électrique n’est pas la solution idéale et encore moins viable sur le long terme.
1 – L’État passe ses objectifs climat aux abonnés absents
Pour autant, si les émissions de GES décroissent depuis plusieurs années (-24% par habitant) du fait des politiques publiques menées sur notre territoire, au regard de l’augmentation de la population (+22%), de tels projets entrepris pour améliorer la circulation sur le périphérique nantais risquent très fortement de remettre en cause le cap de réduction de GES fixé par Nantes Métropole de -50% par habitant. En tout état de cause, ce projet ne permettra pas de diminuer la part modale de la voiture individuelle de 43% à 15% d’ici 2030 ni de faire progresser celle des transports en commun de 15% à 26%.
2. En contradiction avec les stratégies régionales et nationales
Ce projet est également en contradiction avec La stratégie nationale bas carbone qui entend accélérer la transition énergétique en luttant contre la pollution et la congestion routière pour favoriser le rééquilibrage modal. Idem pour le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET) des Pays de la Loire, concernant toute une série de règles et d’objectifs fixées régionalement.
3. Les risques environnementaux
Un projet aspirateur à voitures
Nantes métropole a le sens du verbe, élargir les échangeurs de la porte de Gesvres, le triplement du pont de Bellevue ce n’est pas augmenter le flux de circulation des automobiles, c’est seulement un effet d’optimisation pour l’équipement routier. Ce n’est pas tenir compte des études menées à propos des aménagements routiers. Elles ont relevé que ce type d’infrastructure ne fait qu’attirer un trafic supérieur d’environ 20% à ce qui avait été prévu et ne fait que repousser l’engorgement du trafic routier. Sans compter que dans la présentation des vidéos des 5 solutions, nous souhaitons bien du courage à celles et ceux qui emprunterons la piste cyclable. La voie réservée aux transports en commun sur laquelle il est prévu de faire passer les car Aléop et les bus de la sémitan, le covoiturage n’est pas matérialisée d’autant qu’aucune voie est en continu, obligeant le changement de files en permanence, motif bien souvent de ralentissements et d’embouteillages à terme. Dans certains cas, les sorties débouchent sur des ronds-points dont on sait pertinemment que c’est aussi une source de grandes difficultés de circulation. Quant à la voie d’urgence, elle sera installée uniquement dans la partie amont du pont en remplacement de la piste cyclable existante. Les études du projet montrent que le pont est utilisé majoritairement du sud pour se rendre au travail dans la zone nord. Alors pourquoi ce projet ne traite que le sens de la circulation nord/sud et d’autre part aucune ligne de transports en commun n’existe à ce jour pour connecter ces deux zones. Il serait par conséquent judicieux de mettre en place une ligne de busway permettant de répondre à cette demande. La Sémitan n’ayant jamais intégré le pont de Bellevue dans son réseau et au regard de l’éloignement géographique du pont, il est difficile d’imaginer l’intérêt d’une telle intégration sans ajout de nouvelles ou modification d’anciennes lignes.
Sur la santé
La relation entre trafic automobile et concentration de la pollution atmosphérique dans les grandes villes n’est depuis longtemps plus à démontrer. Le trafic routier est responsable de 68% de la pollution en oxydes d’azote et 35% en particules fines terminent dans l’atmosphère de la ville..
Le pont de Bellevue fait partie des axes nantais le plus pollués, la carte des émissions annuelles moyennes de polluants le montre clairement. Or cet effet d’optimisation pour l’équipement routier sera la conséquence directe de l’augmentation du trafic, entrainant irrémédiablement la dégradation de la qualité de l’air autour de cette zone sans oublier la pollution sonore engendrée.
Et la biodiversité
L’état affichent un objectif zéro artificialisation ainsi que la réparation de la biodiversité. Or la fluidification du trafic va entrainer la création de nouveaux échangeurs et l’élargissement des anciens. Ces travaux vont détruire une zone de faunistique à forts enjeux perturbant les écosystèmes à proximité. Par ailleurs, Ce projet impactera tout de même la flore et les zones humides existantes en bordure du périphérique, dont des espaces classés (un Espace Boisé Classé (EBC), un Espace Paysager à Protéger (EPP) et des zones humides inscrites au PLU).
Alors que vient d’être voté en conseil métropolitain la taxe GEMAPI permettant d’assurer entre autres une certaine qualité de l’eau, l’augmentation du trafic généré par ce projet contribuera de fait à une augmentation du risque de dégradation de la qualité des eaux.
4. De l’argent public bien dépensé ?
Ce projet piloté par l’état devrait coûter environ de 115 M€ à la collectivité nationale. Pourtant alerté par la chambre régionale des comptes, Nantes métropole peine à boucler son budget, fait appel de plus en plus à l’emprunt et dépasse les seuils d’alerte de bonne santé. Dans cette situation est-il raisonnable d’investir dans des projets coûteux dont l’obsolescence est programmée par avance et qui vont à l’encontre des objectifs affichés.
“Cit’ergie Gold” obtenue par Nantes Métropole pour sa politique ambitieuse en matière de lutte contre le réchauffement climatique, a tout de même souligné les manques de la collectivité sur le secteur des mobilités et l’a appelé à réorienter le cas échéant les dépenses à impact négatif vers d’autres projets.
5. Pourquoi ne pas s’inspirer des expériences existantes ?
Plutôt que de reproduire des schémas désuets et passéistes, pour répondre aux problèmes de congestion automobile, il faut plutôt s’orienter vers des solutions innovantes et déjà expérimentées dans d’autres collectivités : Diminution de l’usage de la voiture individuelle pour privilégier un investissement sur les modes décarbonés tels que les transports en commun et les modes actifs.
Pourquoi ne pas prendre le temps d’examiner des alternatives plus écologiques qui n’entravent pas les ambitions climatiques de neutralité carbone d’ici 2050.
Nantes métropole a déjà entamé une démarche ambitieuse concernant les modes de déplacements doux avec son plan vélo et son schéma stratégique piéton. D’autres leviers sont à activer pour limiter la circulation tels que l’aménagement des horaires de travail, le télétravail, politique d’aménagement du territoire avec un urbanisme qui permet un rapprochement entre lieu de travail et le domicile… Mais qu’il soit intra ou inter communal, le principal levier est le développement massif de l’offre de transports en commun. Un réel réseau de maillage doit favoriser les échanges inter quartiers ou inter communes, investissements nécessaires mais lourds qui ne pourront pas se faire sur un seul mandat.
Sans oublier le réseau ferroviaire de la métropole via le développement d’un véritable train exprès du quotidien qui viendrait appuyer le réseau de bus.
Favoriser les connexions inter modales, est un facteur important incitant à l’abandon de l’usage quotidien de la voiture.
Ainsi,
– Parce que ce projet ne tient pas compte des conséquences environnementales et de santé,
– Parce que ce projet fait une nouvelle fois la part belle au tout voiture sans tenir compte des modes de déplacements alternatifs,
– Parce que ce projet est contraire aux objectifs de la transition écologique et la lutte contre le dérèglement climatique,
– Parce que ce projet ne présente pas de bilan carbone à une époque où le budget vert devrait être la règle,
– Compte tenu des alertes budgétaires de la chambre régionale des comptes et de l’organisme Cit’ergie gold, concernant les projets peu vertueux,
Nous considérons que ce projet devrait être abandonné et la participation de Nantes métropole à ce projet n‘est pas judicieuse dans l’état actuel et qu’il doit être transformé.
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