mobilité douce Avec nantes

Concertation Tramway Nantes Métropole : la contribution de AVEC [Nantes]

AVEC [Nantes] juge non pertinentes les trois nouvelles lignes de tramway

Les enjeux écologiques et d’équité dans l’accès à la mobilité ne sont pas assez pris en compte. Si elle conçoit la desserte de la densité nouvelle de l’île de Nantes et ses abords, celle-ci ne doit pas se faire avec, pour seul horizon, le projet incertain de CHU et au détriment d’investissements nécessaires pour ne pas délaisser les périphéries et les autres quartiers.

Ce projet ne répond pas à l’évolution de l’agglo en continuant de se focaliser sur son centre où il requiert de gros investissements pour une faible distance desservie. Il n’engage pas Nantes Métropole dans un changement face à la mutation climatique. Enfin, par des choix techniques coûteux et anticipés, il limite l’exercice démocratique attendu des Assises de la mobilité promises par la municipalité et à partir desquelles devrait s’établir un nouveau schéma des transports.

1 – Préserver l’équité dans le développement de l’agglomération

La création du tram en 1980, voulait désenclaver les grands quartiers excentrés. Un accès facile au centre-ville était alors un élément d’équité républicaine. Mais dans le même temps a commencé un autre mouvement : le départ d’un grand nombre de Nantais vers les première et seconde “couronnes”. Les zones d’activités et commerciales s’y sont développées. L’arrivée de nouveaux habitants a amplifié le phénomène. Résultat : 40 ans plus tard, le reste de l’agglo pèse plus lourd que la commune-centre et nécessite des services à la hauteur de son poids.

Un rééquilibrage d’équité territoriale est nécessaire pour lutter contre l’autosolisme*

L’extension ne concerne qu’une commune supplémentaire (La Chapelle/Erdre) et de façon marginale (Babinière). Or, le besoin de transport public des populations des autres périphéries (notamment Sud Loire, Nord et Est) est massif. Leurs déplacements ont un fort impact sur les rejets de GES (Gaz à Effet de Serre) : ils se font essentiellement en voiture. Il nous faut penser l’urbain en poly-centralités et une organisation de la mobilité adaptée. Le projet est à requestionner à la lumière de ces nouveaux enjeux.

*Fait de circuler seul.e dans une voiture

Sortir du réseau en étoile ?

Le projet doit s’accompagner de nouvelles solutions type lignes de bus à haut niveau de service, et/ou train express du quotidien, qui desserviraient mieux ces territoires. Mais où trouver cet investissement si celui-ci est concentré sur les 3 lignes de tram ?
En revanche, en dehors de l’hypothétique futur CHU, force est de constater que des solutions sont à trouver pour desservir les grandes zones d’habitat (Grand Bellevue, Pirmil les Isles, île de Nantes…) ainsi que les zones d’emploi. Afin de tenir compte de l’objectif du zéro artificialisation net des sols, la Métropole fait le choix de la densité dans le cœur de l’île de Nantes et de ses abords. Une connexion aux transports publics est nécessaire si l’on veut éviter l’usage massif de la voiture.

Mais la configuration présentée favorise un autre objectif : la desserte des Machines de l’Île. L’objectif serait-il alors de consacrer des financements importants à l’activité touristique et à l’attractivité nantaise responsables d’une évolution peu souhaitable pour l’agglo en termes de résilience écologique ?

2. Des alternatives possibles et des projets utiles sans cesse reportés

Des projets utiles à la collectivité sont reportés depuis des années comme la jonction des lignes 1 et 2, en discussion depuis 15 ans. La jonction ne serait envisagée qu’à l’horizon 2035 ! Or elle permettrait un accès aux universités depuis les quartiers et communes à l’Est de Nantes. Elle soulagerait la ligne 2 saturée en période scolaire. Les 15 000 nouveaux habitants du Grand Projet de quartier de Nantes Nord (absent du document de consultation) qui vont amplifier cette saturation, en auront aussi besoin pour se déplacer vers l’Est de Nantes.

D’autre part, l’importance de la circulation sur le périphérique traduit l’importance des déplacements entre les quartiers, les zones économiques et commerciales et les communes. A défaut d’une ligne de transport lourd de type chronobus en doublement du périphérique, des liaisons entre les lignes ou entre les terminus des lignes en busway, en chronobus ou en tram permettraient des déplacements transversaux et faciliteraient l’utilisation d’une autre ligne en cas de perturbation (exemple : proximité entre le Cardo, ligne1, et le Bignon, ligne 3 en passant par le lycée d’Orvault).

La conception du réseau “en étoile” est impuissant face à des arrêts de ligne quelques soient leurs causes. La forte convergence des nouvelles lignes augmente les risques de dysfonctionnements. Une évolution du réseau “en pétales de marguerite”, qui facilite l’atteinte d’une destination par au moins deux lignes, est plus apte à répondre aux problématiques d’avenir et à la sécurisation du réseau. Autre exemple : une ligne 8 Diderot/Moutonnerie-Doulon en contournant Commerce et Pirmil tout en répondant à la desserte de l’Île offrirait aux voyageurs l’assurance d’un plan B en cas de problème, ce que n’offrent pas des terminus en cul de sac inondables à Californie.

Les crises que nous traversons (2008, Covid), atteignent durablement le pouvoir d’achat. Favoriser une offre de transports publics plus fréquente ou plus fournie est urgente pour des déplacements moins onéreux qu’avec la voiture, pour les ménages modestes.

3. Au-delà du rééquilibrage, quelques incohérences du projet

S’il est vrai que le projet crée un point de connexion à Chantiers Navals, il est difficile de penser qu’il permettra le désengorgement. L’ajout des lignes 6 et 7 sur la ligne 1 la plus utilisée du réseau va impacter sa régularité. Pour autant, la nouvelle traversée de la Loire au niveau du pont Anne-de-Bretagne reste tout à fait intéressante en termes de nouveau franchissement pour traverser la Loire en transports collectifs, mais aussi du fait de sa prise en compte des modes doux (vélo et piétons) dans le cadre du projet cœur de Loire. Enfin, concernant la ligne 8, 2,5 km entre Basse-île et le centre Beaulieu, il faudrait pouvoir prendre connaissance des raisons qui ont poussé à la dessiner, le Busway 5 ayant déjà un trajet parallèle sans risque de saturation à ce jour.

4. Préparer le territoire à la mutation climatique

Au fur et à mesure de l’avancée de la crise climatique, l’ampleur et le nombre des perturbations vont croissants. Le réseau de transports doit intégrer ces évolutions et les risques de vulnérabilité. Le projet n’en tient pas suffisamment compte. En outre, l’hypothèse d’un terminus de ligne à Basse-Île en zone inondable ne paraît pas pertinent. Le sous-sol sableux (remblaiements des années 60) et alluvionnaire de la Loire ne sauraient résister à des inondations conséquentes. Ce projet n’offre pas l’opportunité d’un projet offensif de décarbonation des transports dans l’agglomération ni de réduction de la pollution de l’air que respirent ses habitants. La pauvreté des contenus sous les intitulés « attractivité », « solidarité », « durable » dans le chapitre « Les enjeux de la centralité métropolitaine » (Document de consultation page 16) confirme que le projet ne répond pas aux préoccupations sociales, environnementales, climatiques et démocratiques attendues.

5. Organiser des Assises de la mobilité avant de décider du schéma de transport

La municipalité nantaise s’est engagée à réaliser des Assises de la mobilité. C’est seulement après, que pourra être défini le plan du réseau et sa programmation à 15 ans, avec pour objectif l’atteinte des répartitions modales ambitieuses du PDU autour de la baisse de la mobilité automobile. Mais quel choix démocratique restera-t-il quand sont proposées à la discussion des options techniques aussi cadrées que ce projet, une vision aussi morcelée de la problématique générale des déplacements ?
Présenter ce projet avant les Assises de la mobilité ne convient pas : le coût des investissements qu’on veut ainsi faire passer avant le grand débat laissera peu d’options. Aménager des voies de tram, c’est aussi faire de l’urbanisme. Ce choix du centre exclut des aménagements conséquents dans les quartiers périphériques qui font passer non seulement du transport mais également des aménagements cyclables qui ainsi s’affranchiraient plus facilement des reliefs (Chézine, Cens…). La pratique du vélo et de l’intermodalité ne sont pas un épiphénomène mais un enjeu central pour la santé de notre société.

6. Conclusion : vers un scénario alternatif pour un territoire solidaire, équilibré et résilient
Ce projet a un coût au km très élevé (65 M€). Sur les 2,2 milliards du budget d’investissement transport du PDU, ce projet en prélève à lui seul 11%. Se posent alors 2 questions :

Doit- on continuer à densifier le centre de l’agglo en transports publics lourds sans projets très significatifs sur la périphérie ?

Doit-on continuer à renforcer le fonctionnement en étoile, vers le centre, du réseau de tram ou envisager un scénario alternatif ?

Le scénario alternatif n’organise pas l’urbain en fonctionnalités dissociées répartissant les activités à haute valeur ajoutée au centre, l’habitat et les activités de maintenance en périphérie. Cette hiérarchie est à l’origine de toutes sortes d’inégalités : le renchérissement du foncier expulse les revenus modestes vers la périphérie, déconsidère ces territoires éloignés et augmente les temps de transports.

A l’opposé, la répartition des activités à haute valeur ajoutée et un maillage de transports (chronobus) revaloriseraient les territoires périphériques. Il consiste à alléger le centre de Nantes et maintenir en zones naturelles ses parties inondables (Île et rive sud). La crise du Covid l’a montré : les habitants ont besoin de davantage de nature en ville, pas seulement de parterres décoratifs. La mutation climatique accentue les “chocs” de toute nature. Construisons une agglo équilibrée, mieux à même d’y résister.

$

Lire aussi

Park(ing) day 2019 : transformer le bitume de nos parkings !

Pin It on Pinterest